Et moi

Huit jours plus tard…

"Montrons une détermination puissante, fondée sur l'amitié et la confiance" Dumbledore, dans Harry Potter. Cette citation peut se rapprocher de ce que je pense après les attentats du 13 novembre 2015...
– Harry Potter et la Coupe de Feu

Huit Jours Plus Tard

On est Samedi matin. C’est le weekend. J’ai souri à mes camarades de classe hier soir, comme après chaque semaine de cours. On s’est dit  » À dans deux semaines ! « . Comme si rien n’avait changé. Mais je crois que les choses ont changé. On s’est échangé des regards, on a discuté sérieusement et gravement pendant toute la semaine. On a marché la tête basse, perdus dans nos pensées. On a parfois regardé par-dessus nos épaules, fait des blagues qui sonnaient faux, tourné en dérision des choses qu’on ne pouvait pas encore assimiler. Chaque matin, on passait devant des bougies et des bouquets de fleurs en l’honneur des disparus. Pour se rappeler.

Se rappeler que, même si on a fait semblant pendant très longtemps de ne pas le voir, il y a la guerre dehors. Que cette guerre est faite par des personnes entraînées à ne ressentir aucune compassion, aucun amour. À ne pas réfléchir. Quand la guerre a débarqué physiquement à Paris, elle a emporté 130 âmes qui profitaient de la vie, d’une manière injuste et aléatoire, comme c’est toujours le cas dans les guerres. Elle a gâché beaucoup plus de vies. Elle a déchiré, torpillé, anéanti des familles, des groupes d’amis, des couples, des deux côtés de la balance.

On s’en rappellera, on les pleurera encore, et surtout, on continuera de vivre pour eux. De rire. De boire. De travailler. De poster des memes inutiles. De lire. De se promener. De rire encore. De manger. De sortir en boîte de nuit, d’aller voir des concerts, de vibrer au son d’une même musique. Unis par l’émotion.  Avec compassion. Toujours, toujours, de la compassion. C’est ce qui leur fait peur. C’est ce qui les bat. La compassion, l’amour, la fraternité. Vendredi, ils ont tenté de toucher la France, Paris, l’humanité en son cœur. Mais Paris ne coule pas, Paris a ouvert ses portes, ses maisons, aux personnes qui allaient mourir dans la rue. Paris a chanté « Imagine », en hommage aux morts. Paris s’est enlacée. Paris a pleuré, mais Paris se tient debout, encore, et nos cœurs sont réchauffés.

Ils ne peuvent pas tuer la compassion, ni l’amour. Ils essaient, en France, ailleurs, ils essaient depuis des années. Pourtant, des personnes qui se battent pour survivre chaque jour, qui ne savent jamais en se levant le matin s’ils verront le soleil se coucher, nous ont envoyé des messages d’amour et de soutien. Des personnes qui vivent sous la menace terroriste tous les jours ont pris la peine de nous dire qu’ils nous aimaient ! Est-ce que ce n’est pas merveilleux ? Est-ce que ce n’est pas la preuve que ce qu’il reste à la fin, après la terreur, après la colère, après le dégoût, c’est l’amour ?

Une connaissance m’a dit, alors que je déclarais qu’il fallait combattre leur bêtise et leur violence par la compassion et le sang-froid, que je prenais leur parti.

 » Tu connais quelqu’un qui a été blessé dans l’attentat ?
Je ne pense pas.  » M’a-t-il dit.

Non, heureusement, je n’ai perdu aucune famille, ni aucun ami, contrairement à d’autres. Mais chaque jour, je vois les visages des gens qui ont disparu. J’ai passé la soirée du vendredi à transmettre des photos, à tenter de comprendre, à croiser les doigts pour que les personnes qui étaient injoignables soient juste loin de l’horreur. D’espérer que le lendemain, les choses iraient mieux. J’ai passé le weekend à rassurer des gens de ma famille, des amis, à chercher des nouvelles des amis de mes amis. J’ai été malade de peur pendant plusieurs jours. Ils scandaient « Même pas peur », et moi j’étais terrée chez moi, les yeux embués de larmes, le cerveau plein de pensées négatives.

J’ai eu l’impression de recevoir un coup de poing dans le ventre, cette semaine, à chaque fois que je sortais dehors et que je voyais des bougies, des photos, des messages, à chaque fois qu’on annonçait la mort de quelqu’un que j’aurais pu connaitre ou non, à chaque fois que je lisais et regardais les nouvelles. J’ai mis du temps à me détendre. C’aurait pu être certains de mes amis. C’aurait pu être quelqu’un de ma famille. C’était quelqu’un qui était comme moi, qui avait une vie, des projets, des envies, qui profitait de son vendredi soir comme j’aurais pu le faire. J’ai beaucoup pleuré.

Est-ce que ça veut dire que je dois offrir à ces gens la haine qu’ils attendent ? Est-ce que je dois prôner la violence, alors que mon pays et tant d’autres au même moment sont mis à feu et à sang par des êtres barbares ? Non. Est-ce que ça veut dire que je dois m’enfermer dans une méfiance de l’autre, accuser les gens sans preuves, m’acharner comme un chien sur son os, souhaitant la mort de tous ceux qui me veulent du mal, et veulent du mal à l’Humanité ?  Non. Je crois sincèrement, au plus profond de mon cœur, que la meilleure manière de combattre l’obscurantisme, c’est avec plus d’éducation, plus d’intégration, plus de liberté, plus d’égalité, et définitivement plus de fraternité. Notre devise ne m’a jamais parue plus utile. Je crois sincèrement que chaque vie est précieuse. Qu’aucune bataille n’est perdue d’avance. Qu’il faut comprendre pour mieux arrêter.

Resserrons les rangs, soyons unis, offrons notre amour au monde.

Ne soyons pas haineux, ne faisons pas le jeu de ceux qui veulent notre perte.

Allons boire des coups en terrasse, faire l’amour dans des buissons, jouer de la musique très fort. Serrons nous les uns les autres, sans jamais oublier de se dire qu’on s’aime, parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait.

Vivons.

 

 » Tous les invités présents dans cette salle, reprit Dumbledore en fixant les élèves de Durmstrang, seront toujours les bienvenus chaque fois qu’ils voudront revenir ici.

Une fois de plus, je le répète à tous, maintenant que Lord Voldemort est de retour, l’union fera notre force, la division notre faiblesse. L’aptitude de Lord Voldemort à semer la discorde et la haine est considérable. Nous ne pourrons le combattre qu’en montrant une détermination tout aussi puissante, fondée sur l’amitié et la confiance. Les différences de langage et de cultures ne sont rien si nous partageons les mêmes objectifs et si nous restons ouverts les uns aux autres. Je suis convaincu – et jamais je n’ai tant souhaité me tromper – que nous allons connaitre une période sombre et difficile. Certains, dans cette salle, ont déjà eu à souffrir directement des agissements de Lord Voldemort. Les familles de nombre d’entre vous ont été déchirées à cause de lui.

Il y a une semaine, un élève nous a été arraché. Souvenez-vous de Cedric. Si, un jour, vous avez à choisir entre le bien et la facilité, souvenez-vous de ce qui est arrivé à ce garçon qui était bon, fraternel et courageux, simplement parce qu’il a croisé le chemin de Lord Voldemort. Souvenez-vous de Cedric Diggory. »
Harry Potter et la Coupe de Feu, J.K Rowling

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